C\'era una volta Ulissi ind\'è li Lestrigoni

C\'era una volta Ulissi ind\'è li Lestrigoni

Tartessos, la Sardaigne, la Corse dans le "Voyage en Grèce" de Pausanias

XVII. [1] Ces Barbares qui sont au couchant et qui habitent la Sardaigne ont aussi voulu honorer le Dieu par un hommage public, en lui consacrant une statue de bronze qui représente leur fondateur. La Sardaigne est un île que l'on peut mettre au nombre des plus considérables, soit pour sa grandeur, soit pour la fertilité de son terroir. Je n'ai pu découvrir comment elle s'appelait autrefois dans la langue du pays. Mais je sais que les premiers Grecs qui allèrent y trafiquer la nommèrent Ichnusse, à cause de sa figure assez semblable à celle du pied d'un homme. Sa longueur est de onze cent vingt stades, et sa largeur de quatre cent soixante et dix.

[2] On dit que les premiers étrangers qui soient venus s'établir dans cette île étaient des Libyens conduits par Sardus fils de Macéris, qui en Egypte et en Libye avait le surnom d'Hercule. Macéris son père, n'est guère connu que par un voyage qu'il fit à Delphes. Pour lui, il mena une colonie de Libyens à Ichnusse. C'est pourquoi l'île quitta son premier nom, pour prendre celui de cet illustre étranger. Les anciens insulaires ne furent néanmoins pas chassés, ils se virent seulement contraints de recevoir ces nouveaux hôtes, qui ne s'entendant pas mieux qu'eux à bâtir des villes, habitèrent comme eux dans des cabanes ou dans les premiers antres que le hasard leur fit trouver.

[3] Quelque temps après, Aristée aborda en cette île avec une troupe de Grecs qui avait suivi sa fortune. On dit qu'il était fils d'Apollon et de la nymphe Cyrène, et qu'inconsolable du malheur arrivé à Actéon, il quitta la Grèce, renonça à sa patrie et alla chercher un établissement en Sardaigne.

[4] Quelques-uns prétendent que dans le même temps, Dédale qui craignait la colère et la puissance de Minos, s'enfuit de Crète et qu'il se joignit à Aristée pour lui aider à établir sa colonie. Mais on ne me persuadera point qu'Aristée, qui avait épousé Autonoé fille de Cadmus, ait pu être aidé dans cette entreprise par Dédale, qui vivait dans le temps qu'Oedipe régnait à Thèbes. Quoi qu'il en soit, les Grecs qu'Aristée mena avec lui ne bâtirent non plus aucune ville en Sardaigne, apparemment parce qu'ils étaient trop faibles et en trop petit nombre pour pouvoir venir à bout d'un pareil dessein.

[5] Après Aristée vint une peuplade d'Ibériens conduite par Norax. Ceux-ci bâtirent une ville, et du nom de leur chef l'appelèrent Nora. On tient que c'est la première qui ait été bâtie en cette île, et l'on croit que ce Norax était fils de Mercure et d'Erythée fille de Géryon. Cette peuplade fut suivie d'une autre commandée par Iolas et composée de Thespiens, auxquels s'étaient joints quelques peuples de l'Attique. Ils fondèrent les villes d'Olbie et d'Agylé. Cette dernière fut ainsi nommée par les Athéniens, soit du nom de l'une de leurs tribus, soit du nom d'Agyléus, un des chefs de la colonie. On voit encore aujourd'hui en Sardaigne des lieux qui portent le nom d'Iolées, et dont les habitants rendent de grands honneurs à Iolas.

[6] Après la prise de Troie, les Troyens qui purent échapper au sac de cette malheureuse ville s'étant dispersés, plusieurs se sauvèrent avec Enée. De ceux-là une partie fut jetée par les vents en Sardaigne, où, reçue favorablement des Grecs qui y étaient établis, elle ne fit plus qu'un peuple avec eux. Les Barbares ne firent la guerre ni aux Grecs, ni aux Troyens ; premièrement, parce que depuis cette jonction, la force était égale entre les uns et les autres ; et en second lieu, parce que le fleuve Thorsus qui traverse l'île séparait les deux armées, et qu'aucune des deux ne voulait passer ce fleuve en présence de l'autre.

[7] Après un long espace de temps, les Libyens firent une seconde descente en Sardaigne, mais avec des troupes plus nombreuses qu'auparavant. Ils n'eurent pas plus tôt débarqué qu'ils attaquèrent les Grecs, et les ayant vaincus ils les passèrent tous au fil de l'épée, ou du moins il en échappa bien peu. Quant aux Troyens, ils se réfugièrent dans les plus hautes montagnes, dont les rochers pointus et les précipices leur servirent de rempart ; ils s'y maintinrent si bien qu'ils subsistent encore à présent sous le nom d'Iliens ; mais avec le temps ils ont pris l'armure, l'habillement, les moeurs et même la figure des Libyens.

[8] Près de la Sardaigne est une autre île que ces mêmes Libyens nomment l'île de Corse, et que les Grecs appellent Cyrnos. Une partie considérable des habitants de cette île, chassée par l'autre dans une sédition qui les divisait, passa en Sardaigne, alla occuper les montagne et s'y bâtit quelques villes. De là un peuple que dans la Sardaigne même on nomme les Corses, du nom qu'il portait en son propre pays.

[9] Dans la suite les Carthaginois s'étant rendus fort puissants par mer, vinrent s'emparer de la Sardaigne et en soumirent tous les peuples, à l'exception des Iliens et des Corses, que leurs montagnes défendaient contre cette invasion. Ils bâtirent ensuite deux villes, Caralis et Soulches. Mais lorsqu'il fut question de partager les dépouilles de l'ennemi, les Ibériens et les Libyens, qui avaient en bonne part à cette conquête, mécontents du partage, abandonnèrent les Carthaginois, gagnèrent aussi les hauteurs et s'y cantonnèrent. Les Corses leur donnèrent le nom de Balares, qui, dans la langue du pays, veut dire des fugitifs.

[11] Voilà quelles sont les nations et les villes de la Sardaigne. Cette île, du côté qu'elle regarde le nord et le continent de l'Italie, est fermée par des montagnes presque inaccessibles qui se joignent les unes aux autres, et au bas desquelles on trouve de bonnes rades pour les vaisseaux. Mais du haut de ces montagnes s'élèvent des vents très violents et qui varient sans cesse, ce qui rend pour l'ordinaire la mer fort grosse et fort agitée.

[12] Au milieu de l'île il y a des montagnes beaucoup moins hautes ; mais l'air renfermé entre celles-ci est fort malsain, soit à cause des sels épais qu'y apporte le voisinage de la mer, soit parce que le vent du midi y règne continuellement. Car ces hautes montagnes qui sont du côté de l'Italie empêchent que dans les plus grandes chaleurs le vent du nord ne vienne rafraîchir l'air et la terre de cette partie de la Sardaigne. Il se peut faire aussi que l'île de Corse, qui n'en est séparée que par un bras de mer de la largeur de huit stades, et qui est pleine de montagnes fort hautes, ne permette pas au vent d'ouest et au vent du nord de se faire sentir jusqu'en Sardaigne.

[12] On ne voit ni serpents, ni bêtes venimeuses, ni aucuns loups dans cette île. Les chèvres n'y sont pas plus grandes qu'ailleurs ; mais elles ressemblent à ce bélier de terre cuite, fait par un potier de l'île d'Egine, avec cette différence qu'elles ont de plus grands poils sous le menton, et que leurs cornes, au lieu d'être toutes droites sur la tête, sont rabattues et courbées vers l'oreille : au reste, ces chèvres passent tous les autres animaux en légèreté et en vitesse.

[13] Il n'y a dans toute l'île qu'une seule herbe qui soit vénéneuse ; elle est faite comme de l'ache, et l'on dit que ceux qui en mangent meurent en riant. C'est pourquoi Homère et les autres après lui, ont appelé rire sardonien cette espèce de rire qui n'est causé par aucune joie, ni par rien d'agréable. Cette herbe croît auprès des fontaines ; mais elle ne communique point à l'eau son poison. J'ai cru pouvoir insérer cette digression dans l'histoire de la Phocide, parce que la Sardaigne est encore fort peu connue des Grecs.



16/03/2013
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour